À Gaza, le journalisme est devenu l’une des professions les plus dangereuses au monde. Reporters, photographes et correspondants arpentent les ruines, n’ayant pour seule armure qu’un stylo ou une caméra. Ils documentent une guerre qui leur a déjà pris des collègues, des familles, des foyers. Pour beaucoup, survivre est devenu secondaire : leur devoir est de saisir la vérité avant qu’elle ne soit ensevelie sous les décombres.
Depuis le début de l’offensive en octobre 2023, plus de 240 journalistes ont été tués. Certains sont morts chez eux, avec leurs proches. D’autres en tenant leur appareil dans la rue. Derrière chaque chiffre, il y a une histoire personnelle, celle de quelqu’un qui a refusé de se taire, malgré des risques devenus insoutenables. Cette cible systématiquement tracée sur la presse trahit une peur plus profonde : celle que les images et les témoignages venus de Gaza soient plus puissants que n’importe quelle arme.
Les journalistes décrivent une vie déchirée : être un être humain qui tremble pendant les frappes, pleure ses morts, et en même temps un professionnel qui se sent obligé de tenir debout, quel qu’en soit le prix. Beaucoup évoquent des souvenirs qui hantent : partager le pain avec un collègue un soir, et l’enterrer le lendemain matin ; filmer des déplacements massifs de population tout en pleurant les siens ; entrer dans des hôpitaux où les morts dépassent en nombre les vivants. Chaque image filmée, chaque mot écrit devient un acte de mémoire, une promesse que ceux que les bombes ont fait taire ne seront pas effacés du monde.
La frontière entre le récit et ceux qui le portent a été pulvérisée. Les reporters ne sont plus des narrateurs lointains. Ils sont devenus des acteurs de la tragédie qu’ils couvrent, des témoins qui ont perdu frères, sœurs, parents et enfants, mais qui continuent de porter leur caméra. Leurs récits de collègues pris pour cible, de rédactions réduites en cendres, de familles forcées de vivre sous la tente, racontent non seulement l’effondrement de toute sécurité, mais aussi une volonté délibérée d’éteindre toute voix indépendante.
Malgré l’épuisement et le chagrin, beaucoup refusent catégoriquement de se taire. Abandonner, pour eux, ce serait trahir la vérité. Chaque photo, chaque reportage, chaque article est un acte de résistance, une façon d’honorer les victimes et d’empêcher l’oubli. Au milieu de la mort et de la destruction, les journalistes de Gaza restent les derniers témoins. Leur courage rappelle au monde que, même sous les bombes, la vérité refuse de mourir.
Source : Safa News