Par un après-midi fin août à Gaza-Ville, Ahmed Mohammed Abu Sakran, treize ans, était figé à côté d’un petit étal de marché, incapable de bouger. Une frappe aérienne avait déchiré le quartier d’Al-Rimal, tuant son père sur le coup et laissant des fragments de son corps accrochés à l’épaule du garçon. À cet instant, l’enfance elle-même semblait s’effondrer sous le poids de la perte.
Ahmed se souvient de la chaleur du sang, de l’odeur de la mort, du silence qui a suivi l’explosion. Il a tenté de s’éloigner, mais son corps a refusé. « Mon père était à côté de moi une seconde, et il a disparu la suivante », dit-il doucement. « Sa chair était sur mon épaule, et je ne pouvais pas crier. Je ne pouvais pas respirer. » Son frêle corps tremblant portait non seulement les restes de son père, mais aussi le fardeau d’une vie brisée.
Son père était son guide, souriant même dans la faim, lui enjoignant la patience, lui enseignant la responsabilité en le gardant à l’étal ce jour-là. Ces mots, « C’est notre gagne-pain, nous devons le protéger », ont été les derniers qu’Ahmed ait jamais entendus de sa bouche. Désormais, chaque bruit d’avion lui rappelle l’explosion, les décombres, l’impuissance de se tenir seul dans la dévastation.
Sa mère, Mariam, évoque une douleur que les mots ne peuvent contenir. Elle se souvient avoir couru pour serrer son fils dans ses bras après la frappe, déchirée entre le soulagement de le voir en vie et le désespoir qu’il ait été témoin d’une telle horreur. « Quand je l’ai vu, je l’ai pris dans mes bras et j’ai pleuré sans fin », dit-elle. « Je n’ai pas pu le protéger de ce traumatisme, et mes larmes n’ont pu laver sa peine. »
Leur maison est désormais emplie de silence, leurs journées marquées par l’absence. Ahmed tente de paraître fort pour ses frères et sœurs plus jeunes, les rassurant en leur disant que leur père veille sur eux. Mais le traumatisme persiste dans son regard, rejouant sans cesse le moment qui a divisé sa vie en deux. Mariam le voit chaque fois qu’il lutte pour rire ou jouer, sachant qu’il se bat pour créer des fragments de vie au milieu de la destruction.
Les mots du garçon restent simples, mais dévastateurs : « J’ai l’impression qu’une partie de moi est morte avec sa chair sur mon épaule. »
Source : Safa News