À Gaza, l’écriture d’Aya Abu Nasr comme dernier rempart contre l’oubli

À Gaza, où deux années de bombardements incessants ont creusé le silence dans le paysage, les mots d’Aya Abu Nasr sont devenus un refuge de mémoire. Survivante de multiples attaques, elle a perdu plus de 150 membres de sa famille en un seul instant. Son écriture, surgie des décombres, refuse que les visages qu’elle aimait soient réduits à des lignes anonymes dans le récit d’une guerre génocidaire. Aya se décrit avant tout comme un être humain : mère, sœur, fille, femme tentant de rester debout alors que tout s’effondre autour d’elle. Déplacée dès le premier jour, elle s’était réfugiée dans la maison familiale, ignorant que cette décision — qui lui sauverait la vie — la plongerait dans un deuil presque insoutenable.

Lorsque la nouvelle du massacre de ses proches lui parvient lors d’un bref appel, le monde qu’elle connaissait se fissure définitivement. Face à un paysage où rien n’a été épargné, elle se tourne vers l’écriture, seul espace encore intact. Elle commence alors à consigner les noms, les rêves et les détails intimes qui rendaient ses proches profondément humains, convaincue qu’ils ne doivent jamais devenir de simples chiffres. Sur des cahiers d’enfants, sur des morceaux de papier récupérés dans les ruines, parfois même en pleine frappe, elle écrit. Beaucoup de pages ont brûlé ou disparu, mais elle persiste : renoncer à écrire, dit-elle, serait abandonner la mémoire au néant.

Son travail finit par dépasser sa propre douleur. Aya recueille les voix de mères ayant enterré leurs enfants, de familles constamment déracinées, d’enfants avançant dans la faim, la poussière et la peur. Elle assemble ces récits comme on rassemblerait les fragments d’un monde brisé, décidée à préserver les traces de vies que le monde regarde trop peu. Chaque témoignage est pour elle un acte de résistance contre l’effacement, rappelant que les habitants de Gaza ont vécu pleinement, rêvé librement, et méritent que leur humanité soit reconnue. Si elle continue à écrire, même dans l’obscurité la plus totale, c’est parce qu’elle croit que le désespoir est un luxe que Gaza ne peut se permettre. Ses mots cherchent à protéger la dignité d’un peuple qui refuse d’être oublié.

Source : Safa News