Le 10 août 2025, le correspondant d'Al Jazeera Mohammed Qreiqeh a été tué sous les bombes israéliennes qui ont visé la tente des journalistes près de l'hôpital Al-Shifa. Un lieu déjà marqué par sa douleur personnelle : c'est là que sa mère, Na'ma, avait été abattue par un sniper israélien lors du siège de l'hôpital en mars 2024. Pour Mohammed, cet endroit était une plaie ouverte, où se mêlaient devoir professionnel et deuil intime.

Né en 1992 dans le quartier de Shuja'iyya à Gaza, Qreiqeh avait fait du journalisme une vocation née de la résistance. Après des débuts comme pigiste, il rejoint Al Jazeera en août 2024, peu après l'assassinat de son collègue Ismail Al-Ghoul. Porteur de mémoire, il s'était imposé comme la voix des sans-voix : mères éplorées, enfants traumatisés, familles errant sous les bombes. Ses reportages transcendaient l'information pour devenir des chroniques humaines de la survie.

Quelques heures avant sa mort, face caméra, il évoquait l'éternel exode des Gazaouis, concluant par des mots qui résonnent aujourd'hui comme un adieu : "Il n'arrivera que ce qu'Allah a écrit." Son assassinat éteint l'une des plumes les plus vibrantes de Gaza, mais son héritage persiste : preuve que dans l'enfer du siège, le journalisme est acte de résistance, devoir de mémoire et témoignage devant l'Histoire.

"Il filmait avec ses tripes", se souvient un collègue rescapé, devant les cendres du matériel calciné. Comme 153 autres journalistes tués depuis octobre 2023, Qreiqeh rejoint la longue liste des témoins sacrifiés pour que Gaza ne meure pas en silence.