La communauté de Ras Jaraba, en périphérie de Dimona, est devenue la nouvelle cible d’une longue série de pressions exercées sur les villages bédouins du Néguev. Une décision judiciaire récente a accordé aux habitants un délai de trois mois pour quitter leurs maisons, menaçant de déraciner près de 500 personnes installées sur ces terres depuis des générations. Pour de nombreuses familles, ce verdict dépasse la question juridique : il s’agit d’une tentative de rompre un lien vivant avec une terre habitée bien avant la création de Dimona et les politiques qui cherchent aujourd’hui à la vider.
Dans le village, les anciens mêlent défi et stupéfaction. L’un d’eux, âgé de plus de quatre-vingt-dix ans, affirme qu’il est impensable de partir. Né à Ras Jaraba, il voit dans cette injonction une volonté de réécrire l’histoire en effaçant ceux qui l’ont façonnée. Les plus jeunes partagent le même refus, rappelant qu’il n’existe aucune alternative et qu’aucune justification ne peut légitimer l’exil forcé d’une communauté entière. Beaucoup évoquent un long combat juridique où leurs droits ont été systématiquement rejetés tandis que les tribunaux validaient des projets visant à étendre les villes juives au cœur des terres bédouines.
L’histoire de Ras Jaraba révèle l’ampleur du déracinement. Cette terre appartenait aux tribus locales bien avant l’émergence de Dimona, dont les premiers quartiers se sont construits autour de puits creusés par les familles aujourd’hui menacées d’expulsion. Selon les militants, cette décision judiciaire s’inscrit dans une politique plus large : démolition de dizaines de villages, restrictions de construction et mesures qui dépeignent les habitants ancestraux comme des intrus. Le schéma est clair, affirment-ils : vider les territoires pour permettre l’expansion urbaine, sans offrir en retour que des solutions temporaires, déconnectées de leur histoire.
Les organisations juridiques alertent quant aux implications de ce jugement, estimant qu’il renforce un système d’inégalités profondément ancré dans la région. Elles soulignent que les recours déposés pour préserver le village ont été systématiquement rejetés, malgré les arguments environnementaux et l’absence de tout plan d’aménagement viable. Pour elles, cette décision consacre le principe selon lequel une communauté entière peut être effacée sur la base de considérations administratives, sans reconnaissance de son ancrage historique ni proposition de relogement digne. À Ras Jaraba, le signal est brutal : leur avenir se décide sans eux — et la terre qu’ils ont protégée pendant des générations est désormais redéfinie comme un espace à effacer.
